Lettre ouverte à Mme Ellen Johnson Sirleaf, récipiendaire du Prix Mo Ibrahim 2017

Lettre ouverte à Mme Ellen Johnson Sirleaf, récipiendaire du Prix Mo Ibrahim 2017

Lettre ouverte à Mme Ellen Johnson Sirleaf, récipiendaire du Prix Mo Ibrahim 2017

Madame Sirleaf,

Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix vous félicite pour

le Prix de la bonne gouvernance vous décerné par la Fondation Mo Ibrahim.

En recevant ce Prix, vous avez déclaré :

« J’espère que les femmes et les filles de toute l’Afrique seront inspirées pour franchir les barrières et

repousser les limites des possibilités de la vie ».

Vous ne croyiez pas bien dire.

Au moment où vous fouliez le sol du Rwanda, vous n’ignoriez pas que, dans des prisons

mouroirs de Kigali et ailleurs dans le pays, croupissent des femmes et des filles du Rwanda

qui ont essayé de franchir les barrières et repousser les limites des possibilités de la vie,

juste en réclamant un peu de démocratie dans leur pays. La réponse qui leur a été donnée

par votre hôte, le président Paul Kagame, a été de les mettre sous les verrous « afin de les

réchauffer» selon sa propre expression, horrible et indigne d’un chef d’Etat.

Vous n’êtes pas sans connaître le sort réservé à Mme Victoire Ingabire Umuhoza ! Elle qui,

pour avoir voulu se présenter aux élections présidentielles d’août 2010, a été condamnée à

15 ans de prison après un long procès injuste et falsifié sur base d’accusations inventées de

toutes pièces. La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a tranché sans

équivoque après une longue procédure judiciaire, que les droits de la plaignante ont été

bafoués par la justice rwandaise. Malgré cela, le Rwanda ne montre pas de signe allant

dans le sens de la libération de Mme Ingabire Umuhoza (Requête N° 003/2014 – Victoire

Ingabire Umuhoza contre la République du Rwanda).

Sept ans après, une autre femme, Mme Diane Shima Rwigara, tenta sa chance aussi en

posant sa candidature aux élections présidentielles d’août 2017. Inutile de vous dire qu’elle

a rejoint Mme Victoire Ingabire Umuhoza en prison depuis.

Une autre femme, Léonille Gasengayire, membre du parti de Mme Victoire Ingabire

Umuhoza vient de retourner en prison pour la troisième fois consécutive. Cette fois-ci, elle

a été incarcérée avec tout le bureau exécutif des Forces Démocratiques Unifiées (FDU), qui

est la base du parti dont Mme Victoire Ingabire Umuhoza est la présidente. On

comprendra très bien que l’objectif est d’anéantir complètement tout espoir de tentative

des femmes à accéder à quelque poste de gouvernance.

Dès lors, comment voulez-vous que les femmes et les filles rwandaises puissent rêver de

franchir les barrières puisqu’au Rwanda, le gouvernement a érigé des barrières

infranchissables à la démocratie, au déploiement et à l’autonomisation des femmes ?

Madame Sirleaf,

Pourquoi alors un terrain aussi hostile à la démocratie a-t-il été choisi pour récompenser la

bonne gouvernance ? Nous vous saurions gré de vous appuyer sur cette reconnaissance

combien honorable, que vous avez reçue et rappeler à la mémoire du président Paul

Kagame les paroles ci-dessus prononcées par vous-mêmes à Kigali, en lui demandant de

libérer ces femmes afin qu’elles puissent aussi rêver d’un monde meilleur et d’un Rwanda

démocratisé. Le développement, la propreté de la ville… ne peuvent pas hypothéquer tous

les autres droits fondamentaux auxquels tout être humain aspire.

Veuilllez agréer, Madame Sirleaf, toute notre considération.

Fait à Montréal, le 1er mai 2018

Perpétue Muramutse, RifDP au Canada (sé)

Marcelline Nyiranduwamungu, RifDP en Belgique (sé)

Gloria Uwishema, RifDP aux Pays-Bas (sé)