Comprendre la violence sexuelle perpétrée lors de conflits armés

Comprendre la violence sexuelle perpétrée lors de conflits armés

Le viol est utilisé depuis longtemps comme tactique de guerre

Le viol est utilisé depuis longtemps comme tactique de guerre

Communication à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la Femme, Louvain-la-Neuve, 9 mars 2015.

Le RifDP a été invité par le Cercle des Etudiants rwandais de Louvain-la-Neuve (C.E.R.L.) afin de parler des violences faites aux femmes pendant les conflits armés. (Cliquez ici pour télécharger la publication)

1. Présentation du Réseau et objectif

Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix a été créé en 2010 par des femmes soucieuses de :

  • Informer et sensibiliser le public sur toute forme de violation en matière de paix et de démocratie en Afrique et principalement dans les Grands Lacs africains ;
  • Encourager et soutenir le leadership féminin dans toutes les instances et activités de la société, notamment en matière de promotion de la paix et de la démocratie ;
  • Favoriser et soutenir toute initiative crédible visant la mise en place des institutions libres et démocratiques ;
  • Favoriser, soutenir et promouvoir le dialogue entre les personnes, les communautés et les peuples comme moyen alternatif de prévention et de règlement des conflits ;
  • Promouvoir des valeurs d’ouverture et de respect des droits de la personne;
  • Dénoncer toute pratique ayant pour conséquence la privation ou la limitation des droits fondamentaux de la personne, qui sont: la liberté, l’égalité, la justice ;
  • Collaborer avec les organismes nationaux et internationaux en vue de mobiliser des ressources pour des projets visant à promouvoir l’émancipation de la femme et la prise la prise de conscience de son rôle dans la société;

2. Définir le viol de guerre et les objectifs derrière

Si nous parlons des violences faites aux femmes aujourd’hui, cela ne veut pas dire que nous occultons les conséquences des conflits armés sur les hommes. Mais charité bien ordonnée commence par soi-même.
Les objectifs derrière les viols de guerre sont multiples : il y en a qui commettent le viol comme butin de guerre (pour se soulager, évacuer le stress ou exiger une récompense à la fin des hostilités…), il y en a d’autres qui violent, avec objectif de déshumaniser la personne, la famille. Nul n’est besoin d’étaler la barbarie ici mais à quoi cela sert-il de violer une femme (je resouligne que nous parlons des viols de femmes aujourd’hui, puisque les viols de garçons ou d’hommes existent aussi ) et d’introduire en elle une charge explosive ou des objets acérés ? Il est arrivé aussi qu’il soit demandé à un père de famille de violer ses propres enfants au vu de toute sa famille. Le Dr Mukwege dit que les violeurs sont de plus en plus des enfants, dans le but d’affranchissement.

Lors d’une conférence organisée par le RifDP le 3 novembre 2012, notre conférencière Mme Justine M’Poyo Kasa-Vubu a estimé que « en massacrant [et en violant] de plus en plus de femmes congolaises, on obtient à terme la diminution du taux de fécondité de ces femmes et donc la baisse de leur capacité de procréation, et en répétant l’expérience sur plusieurs années, grâce au silence de la Communauté internationale (d’autres observateurs vous parleront de complicité de la Communauté internationale), on obtiendra une modification du tissu sociologique. Moins les femmes congolaises pourront procréer, et plus les rebelles viendront s’installer sur le terrain avec le produit de leurs viols et de leurs pillages, plus on déstructure la société congolaise en la vidant de son essence anthropologique initiale. Viendra alors le temps de provoquer une énième rébellion qui visera cette fois-ci l’annexion de la sous-région naturellement et simplement ».

3. Quantification du problème : information et sensibilisation de cette problématique mondiale et Historique (Exemple de la Bosnie, du soudan, de l’Ouganda, Sierra Leone etc.)

Le viol est utilisé depuis longtemps comme tactique de guerre et la violence contre les femmes pendant ou après les conflits armés est signalée dans toutes les zones de guerre internationales ou non internationales .
Le cas le plus connu, puisque assez médiatisé (et plus proche de nous), est celui de la RDC à travers le Dr Denis Mukwege, qui vient d’obtenir le Prix Sakharov 2014 du Parlement européen.

  • En République démocratique du Congo, près de 1 100 viols sont signalés chaque mois, avec une moyenne de 36 femmes et filles violées chaque jour. On s’accorde à penser que plus de 200 000 femmes ont souffert de violence sexuelle dans ce pays depuis le commencement du conflit armé. Cela représente les cas rapportés aux services sanitaires, sinon l’ONU parle de 500.000 femmes violées par des militaires, des miliciens ou des civils ces quinze dernières années en République démocratique du Congo . Celles qui ont été traitées dans l’hôpital de Panzi sont plus de 40.000.
  • Le viol et la violence sexuelle dont sont victimes les femmes et les filles sont largement répandus dans le conflit qui sévit dans la région du Darfour au Soudan.
  • Entre 250 000 et 500 000 femmes ont été violées au cours du génocide du Rwanda de 1994.
  • La violence sexuelle était un des traits caractéristiques de la guerre civile qui a ravagé le Libéria pendant 14 ans.
  • Entre 20 000 et 50 000 femmes ont été violées pendant le conflit de Bosnie au début des années 1990.

Comment sensibiliser le monde à cette problématique sans s’attaquer aux racines du mal ?

Mr Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU a dit : Ne restez pas silencieux. Lorsque vous êtes témoin de violence à l’égard de femme ou de fille, ne restez pas sans rien faire, agissez.”
Mais comment agir justement ? Tout cela arrive aux femmes parce qu’il y a un conflit armé. Afin de pouvoir traiter le problème de façon adéquate, il faudrait remonter jusqu’aux origines des conflits : comment naissent-ils ? quelles sont les forces en présence ? qui est censé être l’arbitre ? ces conflits auraient-ils pu être évités ?

La plupart des conflits naissent avec des objectifs louables : démocratie, fin du problème des réfugiés, etc. Il y en a d’autres qui naissent pour un oui ou pour un non. D’autres naissent suite aux jeux d’influence qu’on recherche. Mais nous savons tout autant que le nerf de toute guerre est économique. Nous savons aussi que les conflits éclatent dans des pays les plus pauvres au monde. Si nous prenons l’exemple rien que des Pays des Grands Lacs, les conflits ont commencé par l’Ouganda dans les années 1980, se sont étendus vers le Rwanda en 1990 puis en RDC en 1996, avec comme leitmotiv l’avènement de la démocratie dans la région. Force est de constater aujourd’hui que dans ces trois pays, nous sommes loin d’une vraie démocratie. Il y a eu erreur sur la marchandise !

Nous ne pouvons donc pas parler d’endiguer le problème des violences faites aux femmes en périodes de conflits armés (violences qui se traduisent par la perte de conjoints, d’enfants, l’enrôlement des enfants dans les forces armées, les viols et asservissements de tous genres) si nous n’endiguons pas la cause profonde.

Nous déplorons cette pratique qui devient de plus en plus courante et qui consiste à lancer des guerres par peuples pauvres interposés afin de se procurer des matières premières convoitées, plutôt que de respecter les lois de l’offre et de la demande qui voudrait que si « j’ai besoin des matières premières, je vais négocier et les acheter ». Dernièrement, je discutais avec une connaissance de ce problème, ses conclusions sont assez alarmantes : pour elle, une guerre serait plus profitable que la loi de l’offre et de la demande: les usines d’armement tournent à plein régime, les matières premières convoitées seront obtenues à moindres frais, les pays en guerre s’endettent de plus en plus pour soutenir les efforts de guerre, les nouveaux gouvernements nouvellement installés au pouvoir seront plus malléables et les contrats de reconstruction reviendront à ceux qui auront participé à l’effort de guerre. Quant aux dommages collatéraux (viols, déplacement des populations, humiliations etc.), ils sont le moindre souci des belligérants, au mieux il n’y aura que les forces locales à les gérer !

En 2010, au pic des exactions en RDC, l’ONU a chargé une série d’experts d’aller investiguer l’origine de ces viols et autres violations des droits humains au Congo. Ces experts ont compilé un volumineux rapport qu’ils ont intitulé « Mapping Report », il détaillait bien l’origine du mal, les responsables et les moyens à mettre en œuvre afin de mettre fin à ces atteintes à la vie. Ce rapport n’a pas été suivi d’effet puisque la région est toujours instable. Pourtant, le secrétaire générale de la même ONU dit « Ne restez pas silencieux. Lorsque vous êtes témoin de violence à l’égard de femme ou de fille, ne restez pas sans rien faire, agissez.”

Si l’ONU ne sait pas assurer le suivi de ses propres conclusions, qui d’autre le pourra ? Personne ne peut prétendre qu’il ne sait pas. Avec l’avènement des nouvelles technologies, l’information est de plus en plus accessible en très peu de temps, seule la volonté d’agir manque. Souvent, la volonté d’agir est freinée par une lourde bureaucratie ou des divergences d’opinion sur le problème à traiter.

Quant aux forces en présence i.e les rebelles, ils sont connus mais sont insaisissables en même temps. Nous entendons tous les jours parler de Boko Haram, l’Etat islamique, le Daesh, le FDLR, le M23… tout ça est connu mais qui fera le premier pas pour mettre la main dessus ?

La communauté internationale – mais qui est-elle après tout ?? n’est-elle pas composée de certains pays de bonne volonté et d’autres qui profitent du désordre ambiant ? toute décision étant souvent tributaire de l’unanimité au sein de cette communauté internationale, ce n’est pas demain la veille qu’une solution durable sera trouvée. Nous continuerons à nous cacher derrière notre hypocrisie : dire vouloir chercher une solution d’une main en allumant le feu de l’autre.

La solution la plus adéquate et durable devrait venir des peuples concernés eux-mêmes en initiant un dialogue puisque ces peuples connaissent mieux leurs réalités que les pays lointains. Mais si deux frères se battent, il faudra sûrement un arbitre et l’ONU devrait redéfinir et bien jouer ce rôle d’arbitre.

Une autre solution viendrait de nous – consommateurs. Lorsque nous craquons devant un téléviseur flambant neuf ou une tablette ou un GSM ou une bague en or ou en diamant, nous sommes loin de nous imaginer ce qu’il a fallu en vies humaines pour avoir ces joyaux. Nous pouvons agir en évitant le consumérisme à tout prix. Les matières premières ne sont pas éternelles d’une part et d’autre part, en freinant notre mode de consommation, nous pouvons constituer un levier d’action sur les politiques et les entreprises, en limitant cette course effrénée vers les nouveautés.

En guise de références bibliographiques, je vous conseillerais de visionner « Gender against men » sur Youtube, de faire un tour du web avec mot clé « violences faites aux femmes », de consulter le site de l’ONU à cet effet et notre site internet www.rifdp-iwndp.org.

Je vous remercie de votre attention.

Auteur: Marcelline Nyiranduwamungu, Secrétaire au RifDP Belgique