Soirée de gala pour la paix en Afrique centrale

RiFDP, Enghien/Belgique, 03/11/2012

Le 3 novembre 2012, à Enghien en Belgique, le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix a organisé une soirée de gala pour la paix en Afrique des Grands Lacs.

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Une pensée particulière est allée à Madame Victoire Ingabire Umuhoza, qui doit écoper de 8 ans de prison rien que pour avoir voulu jouer au jeu démocratique

Outre les présentations orales, le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix a présenté à ses convives un défilé thématique qui s’articulait autour de la paix, avec comme fil conducteur la vie de cette femme congolaise, rwandaise, burundaise, soit-elle rurale, citadine, moderne, diversement affectée par la guerre. D’abord joyeuse, vaquant à ses occupations, elle s’est retrouvée au cœur des conflits, avec comme climax, la prison, exprimé à travers le costume rose des prisonniers rwandais, arboré par les membres du Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix.

Les thèmes du défilé étaient les suivants :

1) Défilé des femmes congolaises où tous les membres du RifDP présents ont arboré le costume congolais sous toutes ses formes
2) Défilé des femmes rwando-burundaises :

1. En habit rural traditionnel
2. En habit traditionnel « Umukenyero + Urugori »
3. En femme citatine, en tailleur4. En femme moderne, en robe
5. En costume emprunté à l’Afrique de l’Ouest : le Bubu

3) Puis survient la guerre, chacun se sauve dans la tenue du moment
4) Puis, la prison pour certaines. Ici, une pensée particulière est allée à Madame Victoire Ingabire Umuhoza, qui doit écoper de 8 ans de prison rien que pour avoir voulu jouer au jeu démocratique
5) Les membres du RifdP ont clôturé ce défilé sur une note positive, dénotant l’espoir que nous devons continuer à avoir, qu’un jour le ciel sera bleu au-dessus des pays des Grands Lacs africains. Elles arboraient un costume de soirée.

Ci-après, vous trouverez les interventions des invités sur la situation en Afrique Centrale:
Madame Justine M’Poyo Kasa-Vubu, sociologue, écrivain, fille du premier président de la RDC, Joseph Kasa-Vubu.
Monsieur Joseph Ntamahungiro, journaliste de formation, fonctionnaire au sein de l’Eurac.
Monsieur Placide Kayumba, Président de Jambo asbl.

Madame Justine M’Poyo Kasa-Vubu : L’insécurité et les massacres à l’Est du Congo

Madame Justine M’Poyo Kasa-Vubu : L’insécurité et les massacres à l’Est du Congo

Madame Justine M’Poyo Kasa-Vubu : L’insécurité et les massacres à l’Est du Congo

Madame M’Poyo Kasa-Vubu a parlé de la violence et de l’insécurité à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), un sujet lui tient à cœur. Elle a souligné que l’insécurité dans les Grands Lacs nous intéresse tous. Cette violence est-elle spontanée ou entretenue ? Selon elle, du point de vue de la RDC, elle est planifiée : il y a une planification et une volonté politique. Si nous examinons le point de vue géopolitique, tous ces massacres ont lieu dans les zones frontalières, donc internationales : pas seulement occidentales mais africaines aussi. Pour elle, il s’agit d’un « remake » de la conférence de Berlin qui avait en elle déjà l’esprit de balkanisation. L’Afrique centrale contient beaucoup de ressources convoitées par différents pays. 100 ans après la conférence de Berlin, les lois sont quasi identiques : les pays occidentaux recherchent des ressources. Il y a une convergence des grandes puissances qui impose une réévaluation géopolitique : pour trouver les réponses, il faut dépoussiérer les dictatures !

L’instabilité politique arrive car tous les processus ne tiennent pas leur promesse. Il y a refus de changement démocratique : on débouche sur les bouleversements majeurs : alliances contre nature, génocide rwandais avec conséquences en RDC : bourgeonnement des rébellions qui déstabilisent les institutions. Qui paye le prix fort ? Les femmes, les jeunes filles, les vieillards. Les jeunes, au lieu d’aller à l’école, participent à la déstructuration de la région. L’exploitation des matières premières fait resurgir l’esprit de Berlin, avec des sous-traitants locaux !

Le refus du dialogue inter-rwandais présente les tutsis comme bons, les hutus comme mauvais il y a une volonté d’annexion d’une partie du Congo. Le Rwanda ne peut pas le faire seul : il a des alliés comme Clinton, Tony Blair, et en jouant sur la culpabilité des occidentaux face au génocide, profitant du mea culpa international, il justifie la mise en place d’un territoire qui engloberait le Rwanda et une partie de la RDC. Kagame a mis en place l’instabilité dans la région. Les rébellions sont organisées pour atteindre cet objectif d’annexion.

En massacrant la population, des femmes et des enfants en majorité, on diminue le taux de congolais à l’est, en réduisant le taux de fécondité qui conduira à la mutation sociologique. Dans une quinzaine d’années, on pourra justifier la rwandophonie plutôt que la congolité. Hier CNDP, aujourd’hui M23, dès que leurs dirigeants sont poursuivis pour les massacres qu’ils ont commis, ils deviennent rwandais !! Il y a une volonté politique délibérée d’entretenir cette insécurité en implantant la violence ! L’impunité est consacrée !

Pour Madame Kasa-Vubu, il y a une coresponsabilité de nous tous car ce qui se passe en RDC est inadmissible : la parole des occidentaux pèse plus que celle des nationaux ! L’impunité a consacré l’immunité des dirigeants et a produit la légalité conséquente ! Ce qui est inacceptable en Europe doit l’être aussi en Afrique centrale ! L’Afrique ne connaît pas d’élections mais des coups d’état démocratiques ! Mukwege a été victime d’un attentat et en moins de 48 h, il a pu quitter la RDC et se retrouver en route vers l’Europe ! Il manque donc une volonté de la part de la communauté internationale car, quand elle le veut bien, une solution est vite trouvée. D’où la conclusion que la communauté internationale laisse les choses pourrir sciemment!

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Ntamahungiro Joseph : Le Burundi est-il pacifié ? La démocratie y est-elle acquise ?

Il a de prime abord abordé l’après-élection de mai 2010, la situation de la femme burundaise, la situation des enfants albinos burundais.
Dans son intervention, il doit apporter des réponses à deux questions précises : le Burundi est-il pacifié ? Y a-t-il la démocratie ?
Le Burundi n’est pas pacifié car la criminalité et l’impunité sont devenues monnaie courante. Les quotidiens titrent sans cesse « Tu n’auras pas la paix tant que tu vivras », « Le calvaire des femmes burundaises », « Les enfants albinos burundais », « La situation est grave ». Au regard de ce qui se passe, si nous ne nous engageons pas, il y a risque que notre pays bascule dans la violence ! on ne cesse de parler de guerre !! Les personnes sont enlevées, assassinées, mutilées, au point de ne plus les reconnaître. Ces crimes sont mis sur le compte des agents de la présidence à travers l’opération « safisha » ou « nettoie » !
Il y a aussi le calvaire des enfants albinos : depuis 2010, 18 enfants ont été massacrés, la plupart par démembrement ! Ces enfants seraient victimes de trafic d’organes entre le Burundi et la Tanzanie à cause des vertus qu’on associe à leurs membres.

Femmes au Burundi : beaucoup de femmes sont victimes de violences de toutes sortes dont le viol. En octobre 2012, la Ligue burundaise des Droits de l’Homme a titré « la femme burundaise sous la folie meurtrière » : 10 femmes ont été tuées à Kirundo, une femme et ses filles ont tuées car accusées de sorcellerie, des femmes ont été tuées par leurs conjoints, … Les hommes sont aussi victimes des violences mais on en parle moins ! L’épidémie des grossesses en milieux scolaires : selon le ministre de l’enseignement, ces 2 dernières années, 3600 cas de jeunes élèves sont tombées enceintes alors qu’elles étaient encore à l’école.
Dans ces conditions, le Burundi est loin d’être pacifié, on assiste à une criminalité élevée et au retour de groupes armés qui font du tort.

Le Burundi est-il démocratisé ? Non, il suit le modèle de son voisin du nord. D’après le dernier rapport de l’International Crisis Group intitulé « Bye Bye Arusha », le Burundi perd les acquis des accords d’Arusha. La plupart des membres des partis de l’opposition, après avoir perdu les élections communales, sont repartis en exil ! Il y a absence d’opposition véritable ! Le président est en train de tout faire pour amender la constitution et se représenter aux élections ! Le spectre de la violence revient. Le processus démocratique qui avait commencé à Arusha semble s’éloigner de plus en plus.

Le Burundi sera démocratique quand chaque burundais sera réellement libre, aura de quoi vivre dignement, n’aura plus peur du pouvoir, quand la société exercera son pouvoir de contrôle de l’exécutif, quand il aura des institutions fortes et non des hommes forts, quand la vie de chaque burundais sera sacrée,…
Tout le monde a le mot « dialogue » à la bouche d’un côté mais s’arme de l’autre ! Le Burundi risque de sombrer dans une guerre civile ! Au 50ième anniversaire de l’indépendance, le discours était triomphaliste mais le peuple n’avait pas le cœur à la fête : les burundais sont désabusés, ils comparent l’époque actuelle à la période coloniale !

Mr Placide Kayumba : Quel sera, d’après les jeunes, le Rwanda de demain ?

D’emblée, Mr Kayumba précise qu’il parle au nom des 61 jeunes de Jambo asbl puisque d’autres jeunes qui n’en font pas partie ont peut-être d’autres idées. A Jambo asbl, le Rwanda qu’ils veulent est un Rwanda où chacun est maître de son destin !
Chacun sera maître de son destin à travers son histoire : chacun doit la connaitre, la comprendre et la transmettre ! Pour le gouvernement, les jeunes exilés sont des ennemis du pays ! Mais ce gouvernement sait-il ce que les jeunes sont devenus aujourd’hui ? Ils sont plutôt des citoyens du monde. La structure familiale n’est plus la même non plus. Le jeune a-t-il hâte de prendre des responsabilités comme avant? Ces repères-là existent encore ?
Vivons-nous en paix là où nous sommes ? Non ! On ne se sent pas en paix ! Les jeunes hésitent à s’engager politiquement par peur de représailles ! Il constate que les rwandais savent plus ou moins s’en sortir économiquement là où ils sont exilés! Mais si nous devons être maîtres de notre destin, il faut connaître le Rwanda d’aujourd’hui ! On nous présente un Rwanda qui avance économiquement mais le peuple s’appauvrit ! Les jeunes universitaires ne font pas de travaux de recherche sur le pays. L’espace politique est fermé, les vrais opposants sont en prison, le problème de cohabitation est réel.
L’avenir, c’est nous qui devons le déterminer. C’est nous qui devons savoir le mode de gouvernance que nous voulons ! L’identité sociale et culturelle doit être maintenue, la structure familiale doit aider à garder nos repères et à responsabiliser les jeunes ! Nous devons être conscients des libertés mais aussi des devoirs que nous avons pour construire, entre autres le devoir d’assurer une justice non sélective car les crimes des années 90-94 restent impunis. La justice doit faire son travail !
En conclusion, la jeunesse veut un Rwanda où chacun est maître de son destin !

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Le Réseau international des femmes pour la Démocratie et la Paix est une organisation à but non lucratif mise en place par des femmes déterminées à promouvoir la démocratie et la paix.